À Baalbek, l’influence du Hezbollah ne cesse de croître
C’est le deuxième membre de ma famille qui meurt aux côtés du Hezbollah en Syrie. Il était parti il y a seulement quelques semaines, à Deir Ezzor… » Ali Awada, propriétaire d’un café à Baalbek, déplore un mois de novembre meurtrier. Comme son cousin éloigné âgé de 22 ans, de nombreux combattants ont perdu la vie dans les rangs du Parti de Dieu, engagé en Syrie aux côtés des troupes de Bachar Al Assad.
En 35 années d’existence, le Hezbollah, classé comme organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne notamment, s’est imposé peu à peu sur un territoire grandissant. Le 4 novembre dernier, depuis l’Arabie saoudite, le premier ministre démissionnaire Saad Hariri, attendu mercredi à Beyrouth, avait accusé le Hezbollah d’avoir, avec son allié iranien, la « mainmise » sur le pays.
Dans la maison d’al-Usaira, un quartier de la ville contrôlé par le Hezbollah où se déroulent les funérailles du jeune défunt, des centaines de personnes se succèdent pour apporter leur soutien. La plupart sont membres de la milice chiite. À quelques mètres, des banderoles représentant les précédents « martyrs » flottent et se confondent avec les drapeaux jaunes et verts du Hezbollah, tandis que des scooters traversent la ville à vive allure. « Tu as vu la sacoche que ces jeunes mettent en bandoulière ? pointe Ali Awada. Eux, c’est sûr qu’ils font partie du Hezbollah ! Mais attention, il y a des gens qui portent ça juste pour faire croire qu’ils en sont membres, histoire qu’on leur foute la paix.
« Le Hezbollah a su se rendre indispensable »
Le Hezbollah a vu le jour à la suite de l’invasion israélienne en 1982. En quelques années, il s’est fait une place de choix au pays du Cèdre, s’appuyant notamment sur un réseau associatif dense et utilisant des leviers financiers et politiques. Sa « mainmise » et celle de son allié iranien sur le Liban constitueraient une des raisons ayant motivé la démission du premier ministre Saad Hariri, annoncée le 4 novembre depuis l’Arabie saoudite. Attendu mercredi 22 novembre à Beyrouth, Saad Hariri devrait assister aux célébrations de la Fête de l’indépendance, mais surtout clarifier sa décision qui a surpris jusque dans son propre camp.
À Baalbek, le Hezbollah finance ses propres institutions : des écoles – une dizaine – ou des centres de santé comme l’hôpital de Dar al-Hekma. « Le Hezbollah a su se rendre indispensable, estime Hamad Hassan, maire de Baalbek de 2013 à 2016. Lorsque nous manquions d’argent pour payer nos employés municipaux, l’organisation nous en a avancé, sans intérêt. Quand j’ai mis en place le projet de cité industrielle pour la ville, le plus gros budget reçu est venu du Hezbollah, à travers le ministre de l’Industrie, Hussein Hajj Hassan ». Et l’ancien maire d’ajouter : « À chaque fois que j’ai eu besoin de lui, le Hezbollah m’a prêté main-forte ».
Le Hezbollah ,partie intégrante du gouvernement libanais
Un exemple révélateur de ce soutien financier : la reconstruction de la banlieue sud de Beyrouth, la « Dahiyeh », après la guerre de 33 jours menée par Israël en 2006. Le Hezbollah avait mis un point d’honneur à rétablir cette zone de telle sorte qu’elle apparaisse « encore plus belle qu’avant », selon le secrétaire général de la milice chiite Hassan Nasrallah, et avait rapidement déboursé 12 000 dollars pour chaque famille ayant perdu son logement.
Au niveau politique, le Hezbollah fait partie intégrante du gouvernement – deux ministres sur trente et douze députés sur 128 – et l’élection des maires dans les municipalités qu’il gère, une centaine sur près de mille, est le fruit de longues négociations et discussions. Le blocage que le Hezbollah avait opéré concernant l’élection d’un nouveau président par le Parlement, avant l’élection de Michel Aoun en octobre 2016, n’en était d’ailleurs qu’un rappel manifeste.
Bras armé de l’Iran pour ses détracteurs, le Hezbollah – seule milice à n’avoir pas déposé les armes après la guerre civile – est classé comme « organisation terroriste » par plusieurs pays, dont les États-Unis et l’Union européenne. Dimanche, lors d’une réunion convoquée par l’Arabie saoudite, la Ligue arabe s’est ralliée à cette position. Lundi, s’exprimant lors d’un discours, Hassan Nasrallah a réfuté ces accusations, jugées « ridicules », soulignant que le Hezbollah n’avait « jamais envoyé d’armes au Yémen, à Bahreïn ou au Koweït ».
Virginie Le Borgne – la croix
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